Calés sur l'une des deux banquettes de la camionnette ("sorng-taa-ou"), nous roulons sur l'ancienne route de la Mort. La liaison entre Mae Sot et Um Phang ne porte plus ce nom. La guérilla n'empêche plus la circulation. C'est aujourd'hui la police qui tient la zone. Patrouilles aux frontières et de district se relaient pour les contrôles de routine et la traque aux émigrés birmans.
13h10, premier arrêt. 13h23, second stop. 13h40, troisième... C'est ainsi pendant les deux premières heures du trajet. A chaque fois, les hommes en tenue nous adressent leur plus large sourire, à Nico et à moi, tandis qu'ils demandent à deux jeunes gars de sortir leurs papiers.
L'un, cheveux mi-longs et T-shirt Levis, montre un permis de circuler, même genre que celui demandé en Papouasie.
L'autre, djellaba et chapeau musulmans, sort un papier répertoriant plusieurs identités, dont la sienne: un nom et une photo. Les flics ne lui trouvent pas de ressemblance avec le cliché en noir et blanc. Son voyage s'arrêtera là. Dans la camionnette, personne ne bronche ni ne semble surpris, encore moins ému, ça va sans dire.
"Vous allez voir des camps de réfugiés?", nous avait demandé Oliv'. Bof. Nous voyageons cinq jours pas loin de la frontière mais considérons qu'il serait malvenu de faire de ces émigrés un motif de visite, dans le cadre d'un "parcours touristique". On y viendra pourtant.
A mi-trajet, le mec aux cheveux mi-longs nous avertit : "camp". On lève la tête en même temps que le sorng-taa-ou s'arrête : sur le flanc de la colline, des milliers de baraquements entassés dans ce qui a reçu le nom d'"Um Piam", village de réfugiés karen et birmans. Sur des mètres et des mètres. Ça fait mal au ventre. Mais le pire est à venir.
Le type descend, suivi de sa jeune sœur. Notre véhicule repart et là, les langues se délient. Le chauffeur roule en faisant des zigzags, "Nous sommes plus légers sans eux", raille-t-il ou un truc dans le style. Il claironne et klaxonne. Les autres passagers se marrent. Avant que le village ne disparaisse derrière les flancs montagneux, le chauffeur descend, embrasse le paysage de ses deux bras, fait une autre blague. Le kéké est content. Éclats de rire dans le camion. Il remonte et klaxonne à nouveau. On a mal aux yeux. Dégueulasse. Déconcertant. Mais surtout con.
Angel.
A Mae Sot, enfants maquillés au thanaka, la pâte birmane cosmétique végétale traditionnelle. |
Connerie sans frontière, c'est une nouvelle ONG qui cartonne, parait-il...
RépondreSupprimer