Ces rides, je les aime tant. Elles racontent un peu, autant que les yeux. Ma p'tite vieille n'avait pas deviné cette faiblesse : les personnes âgées me fascinent. Toutes, sans exception. Les ronchonnes, les bavardes, les tristes et les joyeuses. Je les trouves belles. Je m'amuse à deviner un bout de leur histoire en regardant leur visage.
Ma p'tite vieille l'a anticipé. Sa tenue dit qu'elle fait partie de la minorité ethnique des Black H'Mong. Elle me donne son âge sans même que je le lui demande : 70 ans. Et sa façon de me mettre le grappin dessus dès la sortie de l'autobus et de me coller au train jusqu'à notre guest-house ne laisse aucun doute : ma p'tite vieille est une femme des villages venue vendre des bracelets, des taies d'oreillers et autres souvenirs faits main, à Sapa, ville des montagnes du nord. Elle parle un anglais moins savant qu'utile, appris au contact d'autres touristes.
Je lui fait comprendre que je vais me reposer, après deux jours de voyage éprouvants. 'Pas grave, ma p'tite vieille est là le lendemain matin, qui m'attend sur le seuil de notre guest-house!
Je lui explique que je dois petit-déjeuner. 'Pas grave, elle patiente encore. Donc oui, je finis par craquer. Je lui achète une guimbarde à trois francs six sous. David, notre acolyte catalan, marchande et achète aussi.
Voilà ma p'tite vieille ravie.
Elle m'accorde une photo et me donne une tape sur les fesses en guise d'au-revoir.
Ma p'tite vieille s'appelle Wava. Des comme elle, il y en a bien d'autres à Sapa. Le tourisme est une importante ressource économique de la région, à côté de la culture du riz. Mais toutes n'ont pas ces rides autour des yeux, qui racontent un peu.
Angel.
Avec David, sur le marché de Sapa. |